Je déteste le 1er décembre

Je déteste le 1er décembre. Je déteste le 1er décembre comme on on peut détester le sida, je déteste le 1er décembre comme on peut détester l’apathie. Je déteste le 1er décembre comme le jour où on parade ces morts. Je déteste le 1er décembre comme je déteste tous ces politiques qui s’en foutent depuis toujours. Je déteste la colère d’affichage qu’il est bon ton d’exprimer une fois par an, dans les clous.

Je déteste ce jour auquel je pense même quand j’oublie. Je déteste d’avoir oublié que c’était aujourd’hui. Je déteste devoir vivre avec le VIH depuis 23 ans et je déteste que, même quand ça va bien, j’y pense tous les jours. Je déteste que ce soit la seule chose qu’on fasse encore contre le VIH, et qu’en plus, on le fasse mal, je déteste ces discours-là, autour du VIH. Je déteste la pitié, la condescendance et la bonne conscience. Je déteste comment les minorités qui se prennent l’épidémie dans la face depuis le début sont traitées dans ce pays.

Une caisse d'Emmaus, décorée de tout un bric à brac et d'écharpe de l'équipe de France de foot.

Je déteste le mauvais traitement que les médias réservent au VIH depuis 40 ans, alors qu’ils devraient nous parler de la PrEP qui fait baisser les chiffres et du Tasp, de combien je m’en fous, en vrai, de mourir du VIH ou d’autre chose, mais que je prends mon traitement pour être sûr que je ne le transmettrais pas.

Je déteste le VIH et ce qu’il m’a fait, même quand, après plus de 20 ans, j’arrive à commencer à aimer ce que je suis, malgré lui. Je déteste ce qu’il m’a empêché de vivre, les pleurs qu’il a tirés au gamin un peu perdu que j’étais. Je déteste l’inflammation dans mes artères, l’âge, le cholestérol, la conscience aiguë, quand je regarde mon corps abimé, du coût que j’ai payé et que je continuerai à payer; les kilos, les larmes et le sang qui bat trop fort dans mes tempes.

Toutes ces ailes coupées, cette peine, ces peurs, j’ai essayé de m’en faire des colliers, parce que je dois vivre avec. La colère aussi, c’est mon bijou, parfois de mauvais goût. Qu’on soit clair, je ne veux pas de vos larmes. Je suis juste fatigué en ce moment, et j’ai juste besoin d’écrire ça, parce que j’aurais aimé oublier que c’était le 1er décembre. Je suis grognon. J’ai le droit. C’est la Saint Sida.


Publié

dans

Commentaires

2 réponses à “Je déteste le 1er décembre”

  1. Avatar de Matoo

    Mais moi je t’aime. ^^

  2. Avatar de D
    D

    C’est fou de faire du bien avec un coup d’tête, un coup d’colère.
    La saint Sida m’insupporte aussi parce que les seuls qu’elle atteint sont déjà atteints d’une manière ou d’une autre.
    Savoir qu’il y a des P🎲s furieuses, des folles fatiguées, des reines qui en ont marre et le font savoir rend le truc un peu moins stupide.
    J’ai abandonné l’idée d’en tirer du sens, ça n’en a aucun, mais tes mots sont plus sensés que les miens et ça fait du bien.
    Merci