Train corail

Je vous apprend rien, depuis le résultats des européennes, on assiste à un moment de clarification politique assez forte. Je suis trop vieux et blasé pour croire à une formule de communication politique reprenant le «Front populaire», mais j’apprécie qu’on sorte enfin de la sidération, et que, quelque chose, enfin, se passe à gauche.

Logo du Front Populaire partagé par François Ruffin sur Twitter
Très jolie nuance de rouge corail, d’ailleurs, bien joué la ou le graphiste.

Et ce que j’apprécie par dessus tout, c’est que ça expose, en traçant une ligne dans le sable, ceux et celles qui sont prêtes à se compromettre avec ou à essayer l’extrême-droite. C’est probablement pour ça que je suis pas complètement en PLS après les résultats du FN de cette semaine. (L’autre raison, c’est que les autres pays ont mieux voté que nous, heureusement.)

Je parle pas de Macron ou des macronistes, qui cultivent les idées et les thèmes des fachos pour faire écran à leur saccage en règle de tout ce qui ressemble à un projet de service public. On n’attend plus rien de ces guignols, et eux-même ne croient plus en leur projet tatcherien, s’ils ont jamais cru à quelque chose. Ils ne peuvent même plus nous décevoir.

Je parle de celles et ceux qui passent leur temps à se prétendre de gauche, à se prétendre progressistes, mais qui préfèrent tout livrer aux fachos —ou aux macronistes, on a vu que ça arrivait au même endroit, avec l’extrême-droite au pouvoir— que discuter projet politique avec d’autres gens de gauche. Tout le monde vous voit pour ce que vous êtes : des agents de la réaction.

Merci donc pour ce moment, président playmobil. Je sais pas comment on est arrivé là, mais je pense que ce qui se passe, c’est que les connards qui nous abreuvent d’un discours extrémiste, raciste depuis des années, pour décaler la fenêtre d’Overton, ont fini par croire à leurs conneries. Les éditorialistes fascisants de Bolloré et des chaines d’infos, qui tombent des nues face à la réponse de la gauche, comme les conseillers spéciaux de Macron plus réacs les uns que les autres, ceux qui ont voulu croire que Pascal Praud parlait pour les français. A force de nous en faire bouffer toute la journée, ils ont cru que leur narratif raciste, classiste et ultra-libéral, si bien rodé, si facile à dérouler, était la vérité. Ils ont cru que s’ils n’entendaient plus d’autres voix, c’est que les gens étaient d’accord, qu’ils avaient convaincu tout le monde. Ils ont oublié de résister à leur propre propagande. C’est pas parce que le pouvoir médiatique et politique a été le plus violent dans sa répression et dans sa politique qu’il réussit à imposer sa réalité.

Je suis heureusement surpris que ces résultats aient enfin provoqué quelque chose, alors qu’on sait que les fachos sont prêts à accéder au pouvoir depuis des années et que ça ne changeait rien. Tout d’un coup, on dirait que la politique perce à travers les éléments de langage du pouvoir et des médias de droite, comme une respiration qu’on espérait plus. J’ai du mal à m’enthousiasmer mais une alliance comme le Front, je me dis que c’est comme un train. T’es pas obligé d’aimer tout le monde dedans tant que tout le monde veut aller au même endroit.

Et pour savoir où on veut aller, il va falloir parler à et écouter des gens qui sont pas à Paris, qui sont pas blancs, qui sont pas vieux, qui ne sont pas des mecs et pas des hétéros, qui n’ont plus de trains, de postes ou de médecins, qui n’ont plus de boulots ou d’indemnités chômage. Se rappeler que la gauche, c’est d’abord un projet de société, pas que le rempart utile au fascisme mobilisable une fois tous les 2 ans pour sauver le statut quo.


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Commentaires

Une réponse à “Train corail”

  1. Avatar de Matoo

    The Good Fight avait été édifiant sur tellement de sujets, la série était vraiment un chef d’œuvre d’analyse et de clairvoyance sur nos sociétés.

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