J’ai répondu aux questions de Lina pour 20minutes.fr dans le cadre de leur série sur les dix ans de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. Je suis pas amer: mais never forgive, never forget.
Comme sa rédaction, et de nombreuses autres, la jeune journaliste était convaincue que tout le monde devait avoir la parole… y compris les opposants. « Même si je sentais déjà une contradiction sur le fait que l’Obs se positionne en faveur du mariage pour tous et qu’on publie plusieurs tribunes venant de l’opposition. » Désormais, Rozenn Le Carboulec reconnaît la très grande violence de la période liée « à une contradiction éditoriale et déontologique » de la part de son ancienne rédaction.
Seulement, ce n’était pas le seul problème de l’Obs en 2013. Les chaînes d’information en continu par exemple ont également loupé la marche. Dans son livre, l’autrice rappelle par exemple qu’iTélé – chaîne désormais remplacée par CNews – avait promis le même traitement médiatique des manifestations pro et contre la loi. Seulement, manque de bol, le Vendée Globe avait finalement monopolisé la couverture médiatique le jour de la mobilisation des principaux concernés, la communauté LGBT+.
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Sur les pavés, la violence subie n’est également pas anodine. Pour Charles Roncier, également journaliste, mais spécialisé dans le domaine scientifique cette fois, l’importance des mobilisations en opposition n’avait pas été imaginée en amont. Pas à ce point-là du moins. « Le mariage, nous l’attendions beaucoup et ce qui nous a cueilli à l’époque c’était surtout la mobilisation réactionnaire qui a eu lieu », se souvient-il. Avant d’ajouter : « C’était un moment bizarre parce que nous nous étions dit que le débat passerait hyper facilement, qu’il y avait la majorité de gauche. Nous avions mal mesuré comment ça allait être réutilisé, notamment sur les droits de l’enfant. »
Une opposition surreprésentée et monopolisée par l’Eglise qui a également marqué Charles Roncier. « C’était vraiment ceux qui sont contre, ceux qui sont pour… alors que nous parlions de droits de personnes qui par essence ne sont pas négociables. Nous parlions de nos vies, de nos amours, des gens avec qui nous vivions, de la construction de nos projets de vie. Et eux parlaient de fantasme complètement délirant que des personnes instrumentalisées politiquement pour empêcher des progrès sociaux. » Etonnament, à l’époque, des opposants lui demanderont également d’être mieux écouté, de ne plus être harcelés pour leur opinion. « Alors que nous ne défendions pas que notre cause, mais notre vie. Eux parlaient de concept, nous de droit fondamental. »
Au-delà de l’opposition surreprésentée parmi les politiques et dans les médias, l’absence d’alliés a été pour certains un autre traumatisme. C’est le cas de Charles Roncier qui avoue avoir fait un léger ménage de printemps à la suite des débats. « Les personnes qui n’étaient pas réellement concernées – les soi-disant alliés, nos proches et nos familles – qui n’avaient pas de problème et commençaient déjà à parler mariage ne comprenaient pas pourquoi ça nous mettait dans cet état », regrette-t-il. Il y aurait même eu une sorte d’assignation à la marge. « Même des personnes bienveillantes nous disaient : « Vous n’avez pas besoin de ça », « vous êtes déjà révolutionnaires », « vous n’avez pas besoin de singer les hétéros ». » Or la problématique n’était pas seulement de se marier, mais d’avoir enfin le choix.»
— Mariage pour tous : « Nous ne défendions pas que notre cause, mais notre vie »… Après les débats, les traumas des LGBT+, 20minutes.fr.
(Pour les 7 ans, j’avais déjà répondu aux questions de Maëlle pour les Inrocks sur les blessures que nous garderons longtemps de cette période.)