On a tous regardé la vidéo de Brit-Brit se foutant la honte au MeuhTeuhVeuh Video Music Awards et on a bien rigolé. Tous, sauf Chris Crocker. Chris est une star d’internet à côté duquel j’étais complètement passé. Sa video Leave Britney Alone est la plus échangée sur Facebook en ce moment.
Il a 19 ans, habite dans un trou paumé du Sud des États-Unis et se sert d’internet comme d’une scène de théâtre et d’un journal intime. Hedwig au Texas, genre. J’ai trouvé ce beau portrait de lui par Eli Sanders pour The Stranger, l’hebdo alternatif de Seattle. Il a des mèches décolorées, porte des marcels imprimés léopard, voulait lancer une assoce de pédé dans son collège en 5e et a préféré pour sa sécurité être scolarisé par sa grand-mère chrétienne pratiquante avec qui il vit (Elle est d’ailleurs figurante réticente de ses films et continue de vouloir croire que Chris n’a pas l’air d’une grosse moumoune). Dans ces films, c’est comme si quelqu’un avait remis la folie dans le mot folle. Chris a tout pour être une nouvelle icône et je comprends que les pédés l’adorent (tout en se moquant) et que les homophobes ne puissent pas le supporter.
Moi, je n’arrive pas à rire en regardant les vidéos, parce que j’y lis la colstère, la dureté d’un corps habitué à la haine et je sens les sanglots étouffés depuis des années remonter dans ma propre gorge. Les insultes. Ces performances me mettent mal à l’aise parce que je ne veux pas penser à ces ch’tites fiottes, perdues dans ces endroits perdus et à la violence qu’elles doivent endurer, au coeur d’une société qui continue au mieux à préférer fermer les yeux.
Chris Crocker est notre image dans le miroir, la folle avec nos traits que nous voyons tous un jour et que nous devons apprendre à nous aimer malgré les autres, malgré ce qu’on nous a toujours appris. Dans un de ses tableaux camps, Chris nous explique qu’il préfère se faire enculer par une folle avec un sac à main que par un homo qui se prétend viril, que le vrai courage, c’est d’être fier de sa follitude. Comme il le dit si justement, c’est facile d’avoir l’air viril, il suffit de mimer la mort cérébrale. Il fallait le regard d’un petit pédé, pas si paumé que ça, pour nous rappeler qu’elle n’est pas drôle, la prestation de Britney, elle est même triste à pleurer.