L’usage excessif du droit criminel

Fin 2004, alors que prenait fin une relation amoureuse de quatre ans, Diane, une résidante de Montréal, décidait courageusement de porter plainte à la police pour violence conjugale après qu’elle et son enfant eurent été battus par son ex-conjoint. L’aurait-elle fait si elle avait pu prédire la suite des événements? Diane était séropositive et cela a suffi pour que son ex-conjoint se plaigne lui aussi à la police, alléguant que Diane lui avait transmis le VIH. Il s’agissait en fait d’une fausse déclaration: il n’avait pas contracté le VIH.

Le conjoint de Diane a été déclaré coupable de violence conjugale, mais a fait l’objet d’une absolution inconditionnelle (pas de peine). Diane, quant à elle, a été poursuivie pour non-divulgation de sa séropositivité. Elle avait bien dévoilé son statut, mais seulement après leur première relation sexuelle, quatre ans auparavant. La question centrale du procès était de savoir si cette seule relation avait exposé son ex-conjoint à un risque important de transmission. Par un raisonnement critiqué par plusieurs, le juge a conclu qu’aucun condom n’avait été utilisé et a condamné Diane à 12 mois de prison à purger en collectivité.

(…)

En 1998, la Cour suprême a cru que le droit criminel pourrait contribuer à prévenir de nouvelles infections, mais les experts en VIH et en santé publique dénoncent aujourd’hui ses effets pervers sur la prévention: au lieu d’encourager la divulgation, la stigmatisation rattachée à l’usage du droit criminel crée un contexte de société où il devient encore plus difficile de parler de son statut sérologique. En outre, la majorité des transmissions ont lieu lorsqu’une personne vient elle-même de contracter le VIH, qu’elle ne le sait pas et qu’elle n’a donc rien à divulguer.

Criminalisation de l’exposition au VIH – La Cour suprême doit trancher. Une chronique co-signée Cécile Kazatchkine, une jeune analyste des politiques au Réseau juridique canadien VIH/sida que j’avais rencontrée lors des dernières conférences et qui habite à Toronto. Elle est aussi, sans que ça lui enlève aucun mérite, la fille d’un autre militant de la lutte contre le sida, Michel Kazatchkine.


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