Je ne sais pas si George Michael est mort des suites d’une infection par le VIH, et pourtant, évidemment, j’y pense.
Le diable est dans les détails, dans les raccourcis et les associations faciles: Les homosexuels meurent jeunes du sida. George Michael était gay, il en a parlé, dans sa musique et en entretien. C’est le VIH qui a retardé son coming out. C’est le VIH qui a emporté son compagnon. La pneumonie dont il a souffert il y a quelques années, ça ressemble à celles des premiers moments du stade sida. La drogue aussi, c’est dans le champ sémantique de l’épidémie de VIH. C’est une maladie de drogué, le sida. Et surtout, un homme gay, beau, incandescent, sexualisé, impénitent, ça meurt du sida, parce que tout se paye. Je ressens encore cette vague culpabilité de le trouver beau comme un dieu, avec ses poils, ses perles à l’épaule, le carré de sa mâchoire. Sublimement pédé; trop, même pour beaucoup de pédés. Il était beau comme c’était pas permis.
Peut-être qu’il est mort des suites d’une l’infection par le VIH, mais en fait, on s’en fout, ça n’aurait rien de gênant, ni de glorieux, dans l’absolu. Ce qui est indécent, c’est qu’il soit impossible de parler normalement de cette maladie, 30 ans après sa découverte. Si on s’expose, on est réduit à ça, si on se tait, on joue le jeu de la honte et de la stigmatisation.
Cette question, formulée ou non, s’invite à chaque enterrement de pédé, avec plus ou moins de gêne. Quand on est homo, le VIH marche dans le cortège funéraire. «Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés»; nous vivons, et nous mourrons, tous, avec le VIH. C’est un fait, dont nous n’avons pas à nous excuser, et qui appelle la délicatesse, par respect pour ceux qui ont arrêté de chanter.